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(Suite de la 1ère partie : Immobilier et logement : une crise profonde pourra-t-elle être évitée ?)
Parc locatif privé contre parc social ?
Si 4 ménages français sur 5 (82,8% exactement) ont des revenus qui les situent sous les plafonds pour accéder au logement social au sens large (logements relevant des "prêts locatifs sociaux" ou PLS inclus), seuls 1 sur 5 (19,7%) y sont réellement logés, selon une statistique révélée par l'ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale) ! 1 sur 4 (25,6%) sont locataires dans le parc privé, les autres (54,7%) étant propriétaires de leur résidence principale (au lieu de 57% pour l'ensemble des ménages). La part des locataires logés dans le parc privé diminue avec le revenu, mais reste toujours prépondérante par rapport à ceux logés dans le parc social : 27,2 contre 22,1% pour les ménages éligibles aux logements "PLUS" ("prêt locatif à usage social) et 30,5 contre 28,0% pour les logements "PLA-I" (prêts locatifs aidés d'intégration), les plus sociaux !
Les loyers pratiqués sont au demeurant en proportion : selon l'observatoire des loyers CLAMEUR (Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les Espaces Urbains et Ruraux), qui rassemble des références de location du marché privé sur désormais 940 villes dans toute la France (1), au moins 50% des locations et relocations dans les villes petites ou moyennes se concluent spontanément à des niveaux de loyers inférieurs aux plafonds PLS. Mais si ce taux est encore à 20% dans des métropoles régionales comme Bordeaux, Nantes, Rennes, Strasbourg ou Toulouse, il tombe à 12,5% à Lille, Lyon et Marseille, et à 5% à Paris...
Si ces chiffres mettent en évidence le rôle social joué par le parc locatif privé, ils montrent aussi que le parc social se retrouve seul en première ligne dans les "zones tendues", qui regroupent quand même près de la moitié des ménages !
Des propriétaires privés en voie de démobilisation
Placement vedette après l'éclatement de la bulle Internet, l'investissement locatif n'a plus la cote : les déconvenues de nombreux investisseurs en "Robien" on fait retomber l'engouement pour les placements en "défiscalisation", rendus de surcroît moins attractifs ; la baisse des rendements locatifs, sous l'effet de la hausse vertigineuse des prix de vente et de la moindre augmentation des loyers, et l'éloignement des perspectives de plus-value ont fait le reste...
Au lieu de chercher à compenser, le gouvernement a multiplié ces derniers temps les mesures perçues négativement par les propriétaires bailleurs : restrictions sur les documents susceptibles d'être demandés aux candidats à une location, réduction du dépôt de garantie à un mois, encadrement progressif de l’indice de révision des loyers (IRL), projet de taxation supplémentaire des revenus fonciers pour financer le RSA (revenu de solidarité active), projet d'interdiction progressive de la caution personnelle, etc.
Parallèlement, des promesses de la campagne présidentielle qui avaient fait dresser une oreille attentive aux propriétaires sont restées lettre morte, telle la généralisation de l'amortissement fiscal à tous les bailleurs, qui se voyaient ainsi reconnaître un statut d'acteur économique, et l'instauration d'un barème unifié de déductions fiscales sur les revenus locatifs, sans plus de distinctions désormais entre le neuf et l'ancien, en fonction du degré "social" de leur location...
La sécurisation des bailleurs, autre promesse majeure, et contrepartie nécessaire de la réduction puis la suppression du dépôt de garantie et de la caution personnelle, est toujours en chantier sans qu'on puisse même entrevoir le projet final : la GRL (garantie des risques locatifs), créée sous le ministère de Jean-Louis Borloo et en fait portée par l'UESL (Union d'économie sociale pour le logement - fédération des organismes du 1% logement) est certes en place, et semble fonctionner, mais les projets les plus divers circulent quant à son avenir !
Vers un abandon de la GURL ?
Lointain avatar de la "CLU" (couverture logement universelle) évoquée dans les derniers mois du gouvernement Jospin et retoquée à l'époque par la droite comme porteuse de déresponsabilisation généralisée des locataires, la GRL permet de délivrer pour un coût relativement modique (1,80% des loyers et charges via un gérant professionnel et 2,5% en direct) une garantie pratiquement illimitée contre les loyers impayés et les détériorations immobilières aux bailleurs qui louent des logements à des locataires qui ne disposent pas d'un garant, et dont le niveau de revenus, ou leur précarité, font qu'ils ne seraient pas couverts par des contrats de garantie loyers impayés (GLI) classiques. Le niveau de solvabilité requis pour ces locataires est particulièrement souple puisqu'ils peuvent être acceptés avec un taux d'effort loyer/revenu jusqu'à 50% !
Proposée par des assureurs privés qui signent une convention avec l'UESL, elle peut être souscrite aussi bien en direct par les bailleurs qui gèrent eux-mêmes leurs logements locatifs, que dans le cadre d'un mandat de gestion pour ceux qui donnent leurs biens à gérer par un administrateur de biens.
Accueillie au départ avec scepticisme, la GRL s'avère être un succès, auquel le dynamisme de l'UESL n'est probablement pas étranger : 100.000 logements sont déjà couverts et une dizaine d'assureurs ou de grands courtiers spécialisés la proposent. Surtout, grâce aux organes de gestion mis en place - GRL Gestion et l'APA-GL, au financement sur les fonds du 1% logement, et à la mobilisation du réseau à couverture nationale des collecteurs du 1%, le système mis en place met d'une certaine manière à la disposition du parc locatif privé les moyens dont dispose le secteur HLM pour le traitement social des impayés. Or celui-ci non seulement prend mieux en compte les difficultés des locataires de bonne foi, mais assure aussi in fine un bien meilleur taux de recouvrement des créances locatives !
La GRL sera-t-elle victime de ce succès ? Sous couvert de rationaliser le partage des rôles avec la GLI classique, défendue par le "lobby" des assureurs mais aussi de certains grands groupes d'administration de biens, un rapport de Bernard Béguin, directeur de l’Équité, groupe Generali, et Sabine Baïetto-Beysson, directrice générale de l’ANAH (Agence nationale de l’habitat), conclut plutôt à une restriction du champ de la GRL aux locations "très sociales" ; même si Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, qui l'a commandé affirme qu' "il ne s'agit que d'un rapport", on est en droit de se demander s'il ne se prépare pas un enterrement de première classe ! Qui ne serait pas pour déplaire à ceux qui voient un tout autre emploi des fonds très convoités du 1%...
Un tel recul est-il cependant envisageable, alors qu'il vaudrait abandon d'une promesse de campagne du candidat devenu président de la République, et réitérée le 11 décembre 2007 lors d’un déplacement à Vandoeuvre-lès-Nancy : celle de la transformation de la GRL en Garantie universelle des risques locatifs (GURL), étendue en principe à toutes les locations, avec une mutualisation maximale qui permettrait de faire baisser le taux de prime en dessous de 0,5% du montant des loyers, et la suppression en contrepartie du droit pour les propriétaires de demander un dépôt de garantie et une caution. Une généralisation qui ne serait pas pour déplaire à l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), fédération de chambres départementales et régionales de propriétaires qui réclame justement pour les bailleurs une garantie universelle, ressemblant comme deux gouttes d'eau à l' GURL, à un détail près : que les locataires participent aussi à son financement...
Difficile d'y voir clair en tous cas avant le début des débats sur le "projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion", présenté au conseil des ministres le 28 juillet et déposé au parlement pour une discussion à compter du 14 octobre ; celui-ci comporte une mesure qui jette encore un peu plus la confusion : la modification de la loi du 6 juillet 1989 pour réserver la possibilité de demander un cautionnement, dans le cadre de la location d'un logement, au bailleur personne physique ou SCI familiale et en dehors du cas où le bailleur a souscrit une assurance de garantie loyers impayés (GLI) ; une telle mesure, si elle était adoptée telle quelle signerait l'arrêt de mort de la GLI telle qu'elle existe actuellement et que défendent les assureurs : en effet, dans la grande majorité des cas, les assureurs conditionnent la délivrance de leur garantie à la fourniture par le locataire d'une caution personnelle ou bancaire...
A quand un statut du bailleur privé ?
Plus généralement, la mobilisation des propriétaires privés en faveur du logement accessible, et principalement dans les zones tendues, ne passe-t-elle pas par une remise à plat des régimes actuels d'incitation fiscale, trop "usines à gaz", notamment dans l'ancien, et pas assez incitatifs ? C'est en tous cas ce que réclame à cor et a cris l'UNPI, qui revendique à nouveau, dans son 3ème Livre Blanc présenté le 9 septembre à la presse, un statut économique et social pour les bailleurs privés, avec la possibilité de choisir parmi trois régimes : un régime libre - que l'UNPI souhaite de manière quelque peu contestable affranchi des contraintes de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs -, un régime conventionné privé intermédiaire, bénéficiant des avantages fiscaux du régime actuel "Borloo ancien", et un régime social privé, ce dernier étant exonéré de toute taxation sur le revenu (comme les HLM sont exonérés d'IS, précise le Livre blanc...)
Au delà de ces propositions, qui deviennent de plus en plus précises, se profile l'idée avancée aussi dans le milieu des promoteurs et propriétaires institutionnels, que le caractère social d'une location, ainsi que les aides et les avantages fiscaux qui s'y rattachent, ne soit plus lié au logement ou à l'ensemble immobilier et au statut juridique de son propriétaire, mais aux ressources et à la situation familiale et sociale du locataire !
Idée révolutionnaire que se garde bien de commenter le gouvernement, mesurant probablement la révolution structurelle quelle implique et les résistances institutionnelles qu'elle est susceptible de provoquer...
(1) site de CLAMEUR
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