http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/a...05_3238.htmlLes aléas du diagnostic immobilier Véronique Duquesnoy est furieuse : la maison de neuf pièces qu'elle a achetée à Comines (Nord), au mois de juillet, 360 000 euros, est une "passoire". "Même lorsque le poêle est allumé, il fait 17 oC, parce que les murs sont mal isolés et que plusieurs radiateurs ne marchent pas", précise-t-elle. Les plombs ont sauté quand elle a voulu faire une raclette. "Lorsque nous avons emménagé, nous avons découvert quantité de malfaçons qui n'avaient pas été signalées dans le dossier de diagnostics techniques que la vendeuse nous a fourni, lors de la signature du compromis chez le notaire", proteste-t-elle.
Si la mention de la performance énergétique de la maison avait figuré sur la petite annonce, comme ce sera obligatoire à partir du 1er janvier 2011, Mme Duquesnoy aurait-elle évité une mauvaise surprise ? Pas sûr. Le professionnel diplômé en expertise judiciaire Christian Tesse, auquel elle a fait appel après l'achat, estime que le classement thermique attribué à la maison (D, sur une échelle de A à G), n'était pas justifié et qu'"il aurait fallu la classer E ou F".
En outre, il confirme l'existence d'une trentaine d'anomalies électriques, alors que le diagnostiqueur en a signalé une seule. "Si madame Duquesnoy avait eu connaissance de ces défauts, elle aurait pu faire baisser le prix de la maison d'au moins 60 000 euros, juge M. Tesse. Le diagnostic est tellement aberrant que l'on peut même se demander si le diagnostiqueur est réellement passé."
Michaël Hendrix, le gérant du cabinet de diagnostic Hexagone, qui a missionné le diagnostiqueur, assure que ce dernier "s'est bien rendu sur place". Pourquoi a-t-il évoqué la présence d'une cheminée à insert, alors qu'il n'y en a pas ? L'avocate de M. Hendrix, Me Natacha Traparic, répond qu'"il y a bien une cheminée dont l'existence a d'ailleurs été constatée par M. Tesse dans son rapport". "Je parle de la cheminée de refoulement des gaz brûlés de la chaudière, pas d'une cheminée à insert qui n'existe pas !", précise M. Tesse.
Pourquoi la consommation d'énergie a-t-elle été évaluée à 2079 euros par an, alors qu'elle atteindra sûrement le double ? "Elle est évaluée et calculée par le logiciel paramétré par le ministère du logement", répond Me Traparic, en précisant que "le diagnostic de performance énergétique n'a qu'une valeur informative et que l'acquéreur ne peut s'en prévaloir à l'encontre du vendeur". Tant pis, donc, pour Mme Duquesnoy.
Avant de vendre ou de louer un bien immobilier, il faut pourtant le faire expertiser. Contient-il de l'amiante, du plomb, des termites ? Quel est l'état de l'électricité ou du gaz si l'installation a plus de quinze ans ? Quelle est la superficie habitable ? Les diagnostics, payés par le vendeur, sont très importants pour l'acheteur, qui pourra éventuellement renoncer à un bien en fonction du résultat, et c'est la responsabilité du diagnostiqueur qui est engagée en cas d'erreur.
"Attention !, prévient toutefois Bruno Dumont Saint Priest, délégué général de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (FIDI), qui déclare syndiquer 700 sociétés sur 4 000. Si les combles ne sont pas accessibles et qu'il s'y trouve de l'amiante, le diagnostiqueur ne pourra pas être tenu responsable de ne pas l'avoir découverte." Il doit néanmoins indiquer dans son rapport si certaines parties du logement n'ont pas pu être visitées et pourquoi. L'acheteur pourra alors demander une expertise supplémentaire.
Comment trouver un bon diagnostiqueur ? Ces professionnels doivent être certifiés par l'un des treize organismes accrédités auprès du Comité français d'accréditation (Cofrac). Il existe six certificats différents, délivrés pour une durée de cinq ans, après examen dont le niveau est fixé par un référentiel national. Aucun pré-requis n'est exigé de ceux qui souhaitent suivre une formation de diagnostiqueur, d'une durée d'une semaine environ, soit 45 jours pour les six diagnostics. Ce qui indigne un expert comme M. Tesse : "80 % des diagnostiqueurs n'ont jamais fait de bâtiment et sont bombardés dans ce nouveau métier ! Comment peuvent-ils travailler ? Moi j'ai fait huit ans d'études, rien que pour devenir ingénieur !", s'exclame-t-il.
Le ministère de l'écologie doit mettre en ligne un annuaire, alimenté par les organismes certificateurs (Developpement-durable.gouv.fr). D'ici là , il faut regarder dans les Pages jaunes, et vérifier soi-même que l'opérateur qui travaille est bien certifié, sous peine d'une amende de 1 500 euros.
Le diagnostiqueur doit avoir une assurance qui couvre sa responsabilité civile professionnelle, plafonnée à 300 000 euros par sinistre et 500 000 euros par an. Est-ce suffisant ? "Oui, car on constate que, depuis 1996, date à laquelle est apparu le diagnostic amiante, un diagnostiqueur a un sinistre tous les dix ans", assure la FIDI.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a reçu 19 plaintes pour mauvaise exécution d'un contrat en 2009 et 7 en 2010.
Rafaële Rivais
Article paru dans l'Ă©dition du 17.12.10